L’intelligence artificielle arrive à pas de velours dans la gestion des services IT. En parallèle, l’essor de l’open source dans ce domaine soulève des questions cruciales pour les DSI et les utilisateurs d’outils ITSM. Alors que les entreprises cherchent à tirer parti des capacités d’IA pour améliorer leurs processus de support, de gestion des incidents et de maintenance, les responsables IT sont face à un nouveau dilemme : propriétaire ou open source ?
L’IA dans l’Open Source : quel modèle privilégier ?
- IA propriétaire sur un outil open source
Beaucoup d’acteurs ITSM font le choix d’intégrer des briques d’IA propriétaires à des outils open source existants. Cette combinaison présente un avantage indéniable : elle permet une mise en œuvre rapide, souvent grâce à des API prêtes à l’emploi, avec un niveau d’intégration avancé. L’éditeur assure le support, les mises à jour et parfois même l’entraînement du modèle sur des données métiers anonymisées.Mais cette approche introduit une dépendance structurelle vis-à-vis du fournisseur. Les coûts sont souvent récurrents, parfois difficiles à anticiper. Quant au modèle lui-même, il reste une boîte noire, rarement auditée, ce qui peut poser problème dans des contextes soumis à des obligations de conformité ou de traçabilité.
- IA open source auto-hébergé
À l’autre extrémité du spectre, certaines entreprises choisissent de déployer leurs propres modèles open source, en local, sur leur infrastructure. Cette solution offre un contrôle maximal : l’entreprise maîtrise ses données, son architecture, ses traitements. Elle peut adapter les modèles à ses processus métiers, les entraîner avec ses propres corpus, et garantir un niveau élevé de confidentialité.Cependant, cette autonomie a un coût. Elle exige des compétences techniques avancées, tant pour l’intégration que pour la maintenance des modèles. Il faut également disposer d’infrastructures de calcul adaptées, gérer les mises à jour, monitorer les performances, et assurer la sécurité de l’ensemble du pipeline IA.
- IA Open source managé (cloud tiers)
Pour alléger ces contraintes techniques, certaines entreprises se tournent vers des modèles open source accessibles via des plateformes cloud managées. Cette option permet de bénéficier de la richesse de l’open source tout en déléguant la gestion opérationnelle. Les modèles sont accessibles rapidement, avec des mises à jour régulières et une scalabilité immédiate.En revanche, cette solution impose une perte de contrôle partielle. Les données sont transférées vers des environnements tiers, parfois soumis à des réglementations extra-européennes. De plus, le modèle économique repose souvent sur la consommation, ce qui introduit une variabilité importante dans les coûts d’exploitation.
- Approche hybride
De plus en plus d’organisations adoptent une stratégie hybride. Elles combinent des modèles propriétaires et open source, auto-hébergés ou managés, selon les cas d’usage et les exigences métiers. Cette approche permet de conjuguer flexibilité, sécurité et performance.
Mais cette hybridation ajoute une couche de complexité. Elle nécessite une gouvernance claire, une définition précise des responsabilités et une architecture capable d’absorber cette diversité sans générer de silos ou d’incohérences.
Les vraies questions à se poser pour faire un choix
1. Quels sont les véritables atouts de l’open source pour l’IA ?
Le principal avantage de l’open source réside dans la transparence. Contrairement aux modèles propriétaires souvent opaques, les modèles ouverts peuvent être audités, compris, modifiés. Cela permet de garantir une meilleure traçabilité, essentielle pour répondre à des exigences réglementaires ou sectorielles strictes.
L’innovation communautaire est un autre moteur puissant. Des écosystèmes comme Hugging Face ou PyTorch dynamisent la recherche et l’expérimentation, tout en rendant accessibles des modèles de plus en plus performants. L’ouverture de ces outils permet de créer des IA sur-mesure, adaptées aux réalités des métiers ITSM, plutôt que d’imposer des solutions génériques.
Enfin, des initiatives comme le protocole MCP vont dans le sens d’une standardisation des échanges entre outils IT et briques d’IA. Cela pourrait simplifier considérablement les intégrations et favoriser l’émergence d’un socle technologique commun.
2. L’open source peut-il garantir la qualité des modèles d’IA face aux géants du cloud ?
Les géants du cloud disposent d’une avance technologique et d’une puissance de calcul considérables. Leurs modèles sont robustes, entraînés à grande échelle, et continuellement améliorés. Face à cela, les modèles open source évoluent rapidement, mais souffrent de moyens plus limités pour les tests et la production.
Le choix entre un grand modèle généraliste et un petit modèle spécialisé dépend du contexte. Dans l’ITSM, un modèle léger, entraîné sur des tickets internes, peut être plus pertinent qu’un modèle très large mais peu contextualisé. Il s’agit donc de faire un arbitrage entre ampleur, précision et adaptabilité.
L’un des leviers de l’open source reste la mutualisation. Partage de jeux de données, outils de fine-tuning collaboratif, modèles open weights : ces mécanismes permettent à l’écosystème open source de progresser de manière collective, sans dépendre d’un acteur unique.
3. L’open source est-il un gage de souveraineté technologique en matière d’IA ?
La question de la souveraineté est aujourd’hui centrale pour les DSI. Avec un marché dominé par quelques plateformes, l’open source semble offrir une issue. Elle permet de garder la main sur les modèles, les données, et l’infrastructure.
Mais cette souveraineté n’est réelle que si l’entreprise dispose des compétences et des ressources pour exploiter pleinement ces outils. La maîtrise de la chaîne de valeur, depuis l’entraînement jusqu’au déploiement, est une condition indispensable.
Les régulations comme l’IA Act viendront renforcer cette exigence de contrôle. Elles imposeront davantage de documentation, de transparence, et de responsabilité sur l’usage des IA. Les modèles open source devront s’y conformer s’ils veulent rester crédibles dans des environnements critiques.
4. Quel équilibre entre modèle économique durable et logique communautaire ?
L’open source ne signifie pas gratuité. L’IA, en particulier, nécessite de la puissance de calcul, de l’énergie, du stockage, du réseau. Ces ressources ont un coût, souvent invisible à première vue, mais bien réel.
Le financement de cette infrastructure repose en partie sur des acteurs privés. Certains grands fournisseurs cloud soutiennent activement des projets open source… tout en les intégrant à leurs propres offres commerciales. Cette captation peut être perçue comme une menace pour la neutralité de l’écosystème, ou comme une opportunité de diffusion à grande échelle.
Les modèles comme Llama 2 illustrent cette évolution. Semi-ouverts, encadrés par des licences restrictives, ils incarnent une forme d’hybridation entre open source et modèle propriétaire. Cela soulève la question : sommes-nous en train de sortir de l’utopie open source au profit d’un modèle plus réaliste, mais aussi plus ambigu ?
5. L’IA open source est-elle vraiment plus éthique et durable ?
L’accessibilité est souvent mise en avant comme un facteur d’inclusion. En théorie, l’open source démocratise l’accès à l’IA. En pratique, seuls les acteurs capables de mobiliser des compétences et des moyens peuvent en tirer une valeur réelle. L’ouverture ne suffit pas à combler le fossé entre les organisations.
Sur le plan environnemental, l’IA open source n’échappe pas aux critiques. La prolifération de modèles, l’entraînement systématique, les tests multiples génèrent une empreinte énergétique significative. La notion d’IA “sobre” commence à émerger, avec des approches plus légères, plus ciblées, mais encore marginales.
Enfin, la question de la propriété intellectuelle reste floue. De nombreux modèles sont entraînés sur des données publiques, sans que leur statut soit toujours clair. Qui détient réellement les droits sur ces contenus ? Et que se passe-t-il lorsqu’un modèle, entraîné sur ces données, est commercialisé ? L’open source doit encore clarifier ces zones grises pour asseoir sa légitimité.
Chez Combodo, nous croyons que l’open source représente un levier stratégique pour construire des systèmes plus agiles, plus transparents et mieux alignés sur les réalités métier. Dans le domaine de l’IA, cette conviction se renforce : l’open source permet de garder la main sur les données, de comprendre les décisions automatisées, et de choisir les bons niveaux d’automatisation.
Mais l’IA reste un choix. Un choix qui engage. Un choix qui, bien utilisé, peut faire gagner un temps considérable aux équipes support, améliorer l’expérience utilisateur et fluidifier les opérations. Ce gain de temps a une valeur, et il est normal qu’il ait un coût.
Ce que nous refusons, en revanche, c’est que l’IA devienne un prétexte à la flambée des prix ou à l’enfermement technologique. Chez Combodo, nous défendons une approche équilibrée : ouverte mais pragmatique, souveraine mais interopérable, innovante mais sous contrôle. L’IA ne doit pas être une boîte noire inaccessible ni un luxe réservé à quelques-uns. Elle doit rester un outil au service des agents, des processus, et de la qualité de service.